En complémentarité à l’exposition « Avant l’orage », le philosophe Emanuele Coccia présente « Intempéries », un cycle de rencontres qui repense la manière dont la parole habite le musée et accompagne la vie des œuvres. La parole devient une intempérie, un orage psychique qui dissout la frontière entre public et œuvres, transformant celles-ci en forces élémentaires capables d’agir sur nos vies.
Le 20 juin, le chef cuisinier français Michel Bras et l’écrivain japonaise Ryoko Sekiguchi invitent le public à un goûter au Restaurant de la Halle aux Grains, où la parole devient compagne de tous les sens.
La rencontre se prolonge autour d’un goûter imaginé par Michel Bras.
Le changement climatique oblige à considérer l'œuvre d'art comme une sorte d’intempérie : des associations imprévues et imprévisibles des éléments de cette planète qui en modifient irréparablement le mode d’existence et le rythme de vie. D’aucuns limitent et brident la force climatique de l’art ; d’autres l’accompagnent pour en faire le nouvel instrument d’acclimatation de notre espèce sur notre planète, la langue qui permet de reconnaitre et d’habiter les nouvelles saisons, le sixième sens directeur vers une alliance inédite avec les forces vitales.
Le musée devient une nouvelle station météorologique : un lieu d'observation du climat du monde mais aussi un mécanisme permettant aux paroles, aux images, aux sons et aux œuvres plastiques de devenir des forces météorologiques. À l’inverse, grâce à l’art, le nouvel ordre climatique planétaire déréglé peut devenir de nouveau visible, habitable, vivable.
Cette invitation au sein du musée souligne que le rapport à la nature et au non-humain se construit dans nos rencontres quotidiennes et ritualisées avec les plantes, les animaux et les champignons, à travers nos repas de tous les jours. L’art de construire ces mêmes rencontres peut forger une nouvelle conscience planétaire, dépassant les tabous pour s'ouvrir à l'autre. À l’époque du dérèglement climatique, le musée doit exercer les sens à percevoir là où cela semble de plus en plus difficile.
Ryoko Sekiguchi, écrivain, traductrice, elle écrit en japonais et en français sur ce qui nous nourrit. Elle dirige « le banquet », une collection de la littérature japonaise portant comme thème la nourriture et organise des événements reliant la littérature, la cuisine et l’art, parmi les œuvres; 961heures à Beyrouth (et 321 plats qui les accompagnent) (POL), Nagori (POL).
Nécessité au départ, la cuisine est très vite devenue le fil conducteur d’une vie pour Michel Bras, guidé par sa gourmandise, son sens de la contemplation et son désir sans fin d’expérimentation. Habité par le territoire de l’Aubrac, il puise dans sa terre comme dans ses cieux une inspiration sans fin. Après avoir aiguisé sa cuisine auprès de sa mère au restaurant familial Lou Mazuc à Laguiole, il installe en 1992 le restaurant Le Suquet au sommet d’une colline dominant le village. Il initie une cuisine épurée, audacieuse, sincère, tournée vers la nature, avec cette envie d’en faire partager une vision contemporaine. Après avoir été reconnu comme un éclaireur par les chefs et gastronomes du monde entier, il laisse progressivement son fils ainé Sébastien tracer sa voie aux cuisines du Suquet. Il demeure à ses côtés afin de poursuivre leurs voyages culinaires qui les mènent à Paris et à Karuizawa au Japon.
