
La programmation associée à l’exposition « Corps et âmes » rend hommage à l’artiste contemporain Arthur Jafa en explorant les inspirations marquantes et confidentielles qui jalonnent son œuvre, à travers une séquence de concerts exceptionnels.
Référence intime de l’artiste, la compositrice expérimentale américaine Maryanne Amacher (1938-2009), ayant repoussé au cours des années 1990 les limites de la fréquence audible et dont le portrait apparaît dans le slideshow APEX (2013) d’Arthur Jafa, fait l’objet d’une rétrospective musicale.
La Bourse de Commerce et le label new-yorkais Blank Forms présentent GLIA et Petra, deux œuvres de Maryanne Amacher reconstituées par ses collaborateurs de longue date à partir de ses notes d’archives et esquisses. Ces pièces font exception dans une œuvre profondément marquée par l’éphémérité – la plupart des compositions de Maryanne Amacher étant définies par des paramètres temporels et spatiaux si nombreux qu’elles ne peuvent être rejouées depuis sa disparition.
En résonnance, Diamanda Galás, amie de Maryanne Amacher et complice de recherche des frontières sonores, interprète son œuvre solo De-formation: Piano Variations, une mise en musique de Das Fieberspital (1912), poème expressionniste de Georg Heym qui narre en vers tragiques et hallucinés la douleur et la défiguration de patients souffrant de la fièvre jaune, préfiguration du retour des soldats mutilés de la Première Guerre Mondiale.
Programme
Jeudi 27 mars (Foyer)
- 20h : ouverture des portes
- 20h30 : L'Ensemble Zwischentöne, l'Ensemble Contrechamps et Lucy Railton interprètent GLIA de Maryanne Amacher (75 minutes), sous la direction de Bill Dietz
Vendredi 28 mars (Auditorium)
- 20h30 : ouverture des portes
- 21h : Stefan Tcherepnin et Marianne Schroeder interprètent Petra de Maryanne Amacher (34 minutes)
- 21h45 : Diamanda Galás joue De-formation: Piano Variations (20 minutes)
Compositrice américaine et pionnière de l’art sonore, Maryanne Amacher (1938-2009) est reconnue pour sa pensée novatrice de l’architecture sonore, de la perception et de la spatialisation du son. Ancienne élève de Karlheinz Stockhausen, elle collabore avec des artistes tels que John Cage, Merce Cunningham et Thurston Moore. Dans les années 1960, elle explore les émissions oto-acoustiques, un phénomène physiologique où l'oreille interne génère et amplifie ses propres sons en réponse à des stimuli. Ces sons, impossible à enregistrer, et entendus uniquement par l’individu qui les génère, confèrent à ses performances une dimension viscérale et spectrale.
A propos de « GLIA » de Maryanne Amacher
En 2005, Maryanne Amacher compose « GLIA » pour l’Ensemble Zwischentöne, établit à Berlin. Conçue pour sept instruments et électronique, interprétée une seule fois au cours de sa vie, la pièce tire son nom des cellules cérébrales essentielles à la neurotransmission entre les synapses. Pour cette œuvre, Maryanne Amacher place les musiciens sur une structure pyramidale, entourée d’enceinte, et imagine l’auditeur comme une interface « gliale » entre les éléments électroniques et acoustiques. En 2012, Bill Dietz, ancien collaborateur de Maryanne Amacher, reconstruit GLIA pour une série de performances à travers l'Europe.
GLIA expose à des fréquences auditives intenses pouvant provoquer des sensations d'écoute inhabituelles.
À la Bourse de Commerce, GLIA est joué sous la direction de Bill Dietz avec des membres de l'Ensemble Zwischentöne (Dorothee Sporbeck à la flûte, Volker Schindel et Helles Weber à l'accordéon), de l'Ensemble Contrechamps (Susanne Peters à la flûte, Maximilian Haft au violon et Akiko Ahrendt au violon) et de Lucy Railton au violoncelle.
À propos de « Petra » de Maryanne Amacher
Composée en 1991, Petra est une œuvre emblématique de la dernière période de l’œuvre de Maryanne Amacher. Commandée pour les Journées mondiales de la musique de la Société internationale pour la musique contemporaine (SIMC) à Boswil, en Suisse, elle est écrite pour deux pianos et s’inspire à la fois des impressions de la compositrice de l'église de Boswil, où elle fût créée, et de la nouvelle éponyme de l'auteur de science-fiction Greg Bear, récit où des gargouilles prennent vie et se reproduisent avec des humains dans une Notre Dame post-apocalyptique.
À la Bourse de Commerce, la pianiste Marianne Schroeder, qui avait interprété l'œuvre aux côtés de Maryanne Amacher lors de sa création en 1991, est accompagnée de Stefan Tcherepnin, avec qui elle travaille depuis dix ans sur l’arrangement et l’interprétation de cette œuvre.
Diamanda Galás
Diamanda Galás a consacré une grande partie de sa carrière musicale à l’exploration du grotesque de la mort et de la souffrance. Pianiste classique de formation, elle s’immerge dans le jazz à vingt ans, collaborant avec David Murray et Butch Morris, avant de se tourner vers la composition d’avant-garde aux côtés de Vinko Globokar et Iannis Xenakis. Dans les années 1980, elle se fait connaitre – et suscite la controverse – avec The Divine Punishment (Mute, 1986), un album détournant des textes de l’Ancien Testament pour dénoncer la rhétorique conservatrice de l’époque, qui assimilait le sida à une punition divine. Ses albums suivants poursuivent cette relecture subversive des traditions musicales religieuses : Saint of the Pit (Mute, 1986) s’inspire des chants funéraires maniotes grecs, fondés sur l’improvisation et l’appel et réponse, tandis que You Must Be Certain of the Devil (Mute, 1988) revisite le gospel du Sud des États-Unis. Son album le plus récent, Broken Gargoyles (Intravenal Sound Operations, 2022), prolonge cette exploration radicale du chant et de la douleur.
À propos de « De-formation: Piano Variations » de Diamanda Galás
« De-formation: Piano Variations » est une œuvre pour piano solo, composée et enregistrée par Diamanda Galás en septembre 2019. La pièce s’inspire du poème expressionniste Das Fieberspital (L’Hôpital de la fièvre), une vision saisissante et macabre de patients atteints de la fièvre jaune, écrite en 1912 par le poète allemand Georg Heym. L’œuvre sonore de Diamanda Galás, traversée d’une grande expressivité, alterne déchaînements sonores et silences anxieux, explorant les thèmes de la souffrance et de la transformation du corps.
Fondée en 2016 et basée à New-York, Blank Forms est une organisation à but non lucratif dédiée au soutien des artistes émergents et sous-représentés dans les champs de pratiques interdisciplinaires et temporelles, telles que la musique expérimentale, la performance, la danse et les arts sonores. Son objectif est de mettre en place de nouveaux dispositifs pour conserver, alimenter et exposer à un large public le travail d’artistes historiques et émergents. Blank Forms propose aux artistes un soutien curatorial, des résidences, des commandes et des publications pour les aider à documenter, diffuser et faire.
