Ser Serpas "I fear (J'ai peur)"

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Ser Serpas

Deux ans après l’ouverture de la Bourse de Commerce et la présentation d’un ensemble de ses peintures de petits formats déclinant des fragments d’intimité, Ser Serpas s’est emparée cette fois de la Galerie 3 pour y créer un espace chaotique de tensions, une scène fantomatique où les visiteurs se sont retrouvés plongés dans ce lieu hybride, donnant l’impression d’une intrusion dans un espace en train de se construire, inspiré par l’idée de grenier. Son exposition s'est inscrite dans la saison « Mythologies américaines » présentée de septembre 2023 à janvier 2024 à la Bourse de Commerce.

Pour la Bourse de Commerce, Ser Serpas a ainsi créé un dispositif de peintures et de sculptures (recouvertes de tissus) profondément inspirées du film fantastique The Others de Alejandro Amenábar, d’un moment en particulier où des voix de fantômes résonnent dans la maison, venant comme en habiter les objets et le mobilier laissés à l’abandon.

Cette scène d’exposition, qui convoque aussi bien les champs de la musique (commissionnée spécialement à l’artiste de Manchester Leyland Kirby qui revisite par le souvenir son emblématique projet « The Caretaker »), du cinéma que de la mode, constitue un véritable écho à la manière dont l’artiste choisit de reconfigurer l’espace de la galerie en un lieu fantomatique et fantasmatique. Traversant tout l’espace, une tringle métallique supporte de nouvelles peintures de l’artiste qui, entre abstraction et figuration, témoignent des nouvelles orientations de l’artiste vers une dissolution des corps, une forme de perte d’emprise sur la réalité, sur le monde qui l’entoure.

De grandes dimensions, les toiles flottent nonchalamment dans l’espace, comme à peine achevées, en train de sécher, en écho aux sculptures partiellement recouvertes de tissus — autant de présences fantomatiques qu’inquiétantes. Marquée par tous les films d’horreur vus durant son enfance, Ser Serpas recrée ici une atmosphère paradoxale où le frisson procuré instille dans le même temps une forme de confort, une étrange chaleur.

Ces nouvelles peintures de grand format sont des huiles sur toiles, de couleur « cendreuse », comme effacées, qui agissent, pour l’artiste, comme des réminiscences du passé. Ces toiles sont principalement inspirées de photos d’anciennes relations amoureuses ou d’images montrant les avants et après d’opération de chirurgie esthétique. Les fragments de corps qui y apparaissent, aussi bien que les abstractions, résonnent avec les assemblages d’objets trouvés qu’elle compose au sein de l’espace, plus exactement qu’elle fait construire par des artistes performeurs, sur la base d’instructions. C’est en effet, lors d’une soirée musicale le 9 septembre 2023 conçue par l’artiste comme une performance — intitulée BASEMENT SCENE — que ces objets abandonnés ont être assemblés et construits en sculptures au rythme d’un DJ set de Ser Serpas, puis de performances musicales de deux DJs des scènes underground new-yorkaise et tokyoïte, Lydo et Yousuke Yukimatsu. Après chaque représentation, l’installation résultante LOCKED CLUB a été présentée comme l’instantané d’une afterparty. Performées et formées au sous-sol de la Bourse de Commerce, les sculptures ont ensuite rejoint l’espace de la Galerie 3, venant en quelque sorte « cannibaliser » l’ensemble. Une deuxième itération de BASEMENT SCENE a été présentée pour la désinstallation de l’exposition le 27 janvier 2024.

 

Biographie de l'artiste

Ser Serpas, artiste présentée dans l’exposition « Ouverture » à la Bourse de Commerce en 2021, a grandi à Boyle Heights, un quartier de Los Angeles imprégné d’une forte histoire d’activisme radical de gauche. Serpas a adopté cette cause, consacrant une grande partie de son temps à l’organisation communautaire pendant ses années de lycée.

Désenchantée par le traitement peu respectueux des marginalités au sein des mouvements activistes, son militantisme s’exprime désormais à travers l’art et la poésie. Elle déménage à New York, puis occupe des ateliers en Géorgie, en France. Sa pratique, forgée lors de ses études à Columbia, est largement investie dans la critique et la célébration de la valeur (ou de son absence) des objets matériels. Qu’il s’agisse de travailler avec des détritus jetés trouvés dans la rue ou sur des tissus offerts par des amis, Serpas manipule à chaque fois ces matériaux, les assemble ou les peint, pour produire de l’art d’une manière qui complique les perceptions de la valeur, donnant un sens à ce qui serait autrement un rebut.

Dans une logique de subversion des ready-made de Duchamp ou des Combines de Rauschenberg, Serpas remet ses sculptures dans les rues après
leur exposition, leur permettant de redevenir des déchets. Ses peintures sont également parfois entassées comme des peaux sur des structures ne permettant pas de les voir dans leur intégralité.

Commissariat : Caroline Bourgeois, conservatrice en chef

 

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