Urs Fischer
La première œuvre présentée dans la Rotonde était une installation de l’artiste Urs Fischer, recomposée spécialement pour l’ouverture du musée.
Présentée dans la Rotonde, l’installation la plus célèbre de l’artiste suisse Urs Fischer – Untitled, 2011 – est montrée pour la première fois en France. Fischer l’a repensée à l’échelle du site, une « place publique » couverte d’une coupole culminant à presque 40 mètres.
Composée de sculptures en cire, Untitled, 2011 est un groupe de bougies monumentales que l’on allume au premier jour de leur exposition : la réplique grandeur nature d’un célèbre groupe sculpté de la période maniériste L’Enlèvement des Sabines (1579-1582) de Giambologna, sept chaises diverses (d’un tabouret africain à la banale chaise plastique en passant par le fauteuil d’avion), que contemple l’effigie de l’artiste Rudolf Stingel (ami et pair d’Urs Fischer).
Le grand groupe sculpté repose sur un socle inspiré de ceux que l’on trouve sur les places publiques italiennes. L’ensemble des assises est en discussion avec l’iconographie de la grande toile marouflée de la coupole qui le surplombe. Symboles de la mondialisation contemporaine, elles répondent aux représentations du commerce et des échanges entre les continents à la fin du 19ème siècle, marquées par l’idéologie coloniale et la culture folkloriste de leur temps. Quatre d’entre elles sont des modèles choisis par l’artiste dans les collections du Musée quai Branly - Jacques Chirac, un siège mandé du Mali, une chaise ashanti du Ghana, un siège bwa du Burkina Faso, un fauteuil oromo d’Ethiopie, tandis que les sièges d’avion et la chaise de jardin évoquent en revanche le voyage et la standardisation de notre monde contemporain.
Au commencement de son activation, cet ensemble est tout de maîtrise, réalisme, verticalité, virtuosité. Au fur et à mesure de son exposition et de la consumation, ces valeurs s’inversent par l’action du hasard, de l’entropie, l’œuvre devenant informelle jusqu’à l’informe. La cire se liquéfiant, ce qui semblait pérenne ou authentique s’avère fragile et factice. Untitled dure le temps que s’étouffent les mèches qui innervent les chandelles, images d’une beauté ardente jusqu’en sa vanité. Car si l’ensemble s’inscrit avec une force plastique peu commune dans la tradition du memento mori, il n’enjoint pas à la seule mélancolie. Dressée intacte, puis démembrée et écoulée, l’œuvre – malgré sa transformation – enchante encore l’espace et le spectateur. L’installation est un monument à l’impermanence, la transformation, à la fuite du temps, à la métamorphose, à la destruction créatrice.
Urs Fischer (né en 1973) vit et travaille entre New York, Los Angeles, Berlin et sa ville natale de Zurich, en Suisse. Artiste irrévérencieux, il crée un monde absurde et ironique, bigarré et imprévisible, qui interroge notre manière de penser l’espace. Pour explorer les possibilités infinies de la matière et collaborer avec le temps dans son œuvre, Fischer aime à travailler des matériaux mutables qui se consument, se périment ou se modifient comme le pain ou la cire, et s’intéresse aux objets du quotidien. Sa méthode de production est organique, expérimentale ; il tâtonne, commet des erreurs, explore les processus de génération et de destruction. De la sculpture à la photographie, au dessin et à la peinture, l’artiste recourt à diverses techniques, jouant des contrastes et éléments juxtaposés. En 2012, Palazzo Grassi lui a consacré l’exposition « Madame Fisscher ». Ses œuvres y ont également été présentées lors de Dancing with Myself (2018), « Le monde vous appartient » (2011-12), Mapping the Studio (2009-11), Sequence 1 (2007), Une sélection Post-pop (2006-7), Where are We Going? (2006).