Les Monts Analogues de René Daumal
Conférence de Boris Bergmann, lecture par Denis Lavant
Avec la participation de Cécile Guilbert (écrivain), Philippe Parreno (artiste), Boris Bergmann (écrivain), Lecture par Denis Lavant (comédien).
Le Mont Analogue est un livre magique qui bouleverse et guide l’existence de celui qui, par la lecture, prend part à son tour à la quête de Daumal. Au fil de ce récit initiatique, resté inachevé, un groupe d’aventuriers s’engage dans la recherche, puis dans l’ascension d’une montagne d’une incommensurable hauteur, passage unissant le ciel à la terre : le Mont Analogue. Le narrateur, jeune poète alpiniste, mène cette expédition vers le sommet inconnu. Ce lieu est aussi le lien entre nos certitudes et ce qui nous dépasse. La règle est simple : pour le voir, il faut y croire. Publié pour le première fois en collection Blanche en 1952, Le Mont Analogue n’était plus disponible qu’en format poche. En octobre 2021, les éditions Gallimard publient une nouvelle édition, augmentée de textes critiques — dont une préface de Patti Smith — de photographies, de fac-similés inédits. Mais le Mont Analogue n’est pas seulement un texte littéraire important : il a aussi servi de repère à plusieurs générations d’artistes. Le réalisateur Alejandro Jodorowsky et l’artiste Philippe Parreno sont parmi les plus connus. À leurs côtés, les écrivains Cécile Guilbert et Boris Bergmann — qui a dirigé cette nouvelle édition.
Réunis pour cette conférence, ils mêlent leur visions de ce texte capital. Ensemble, ils montrent que Le Mont Analogue est d’abord une aventure métaphysique collective, une utopie, ouverte, absolue. Comme l’écrit Daumal : « … du fait que nous sommes deux, tout change ; la tâche ne devient pas deux fois plus facile, non : d’impossible elle devient possible. » Pour débuter cette soirée poétique consacrée à Daumal, le comédien Denis Lavant lira des extraits du Mont Analogue ainsi que des textes inédits présents dans la nouvelle édition publiée chez Gallimard, Les Monts Analogues de René Daumal.
René Daumal René Daumal est né Boulzicourt, petit village des Ardennes, en 1908. Étudiant brillant, il rencontre au lycée de Reims Roger Gilbert-Lecomte et d’autres jeunes gens tentés par l’expérimentation et le dépassement des limites a priori du réel. Tous les moyens sont bons : écriture, jeux, prises de stupéfiants et expériences collectives. Ensemble ils forment un clan — les « Phrères simplistes » — puis un groupe — le Grand Jeu — à la revue éponyme et aux ambitions radicales, poétiques et révolutionnaires. Mais l’aventure tourne court, les amitiés adolescentes éclatent en plein vol. Daumal se tourne alors vers d’autres moyens de connaître la vérité, un cheminement plus individuel. Il s’intéresse à l’Inde, au sanskrit, aux danses sacrés mais également à l’alpinisme comme moyen direct d’atteindre les hauteurs. Il publie peu : un recueil de poésies (Le Contre-Ciel, 1936) qui demeure confidentiel, un premier roman chez Gallimard en 1939 (La Grande Beuverie) et commence Le Mont Analogue. Il ne pourra jamais l’achever. Daumal est rongé par la tuberculose, conséquence de sa santé fragile mais surtout des expériences avec la drogue pendant sa jeunesse. Il meurt en 1944, à 36 ans, laissant une oeuvre foisonnante et encore trop peu connue. Son dernier livre, le Mont Analogue, sera publié pour la première fois de façon posthume chez Gallimard en 1952.
Boris Bergmann
Boris Bergmann est né à Paris en 1992. Il a publié cinq romans. Le dernier, les Corps insurgés (Calmann-Lévy, septembre 2020) a reçu le prix Félix Fénéon. Il est co-commissaire de l’exposition « Monts analogues » au FRAC Champagne Ardenne (du 17 septembre au 23 décembre 2021) qui réunit des pièces d’archives mais aussi des oeuvres d’artistes inspirés par Daumal et Le Mont Analogue. Il a dirigé Les Monts analogues de René Daumal, nouvelle édition du Mont Analogue publiée en octobre 2021 par Gallimard.
Installation de Philippe Parreno à la Bourse de Commerce : Le Mont Analogue, 2001-2020
A la manière d’un phare signalant la Bourse de Commerce depuis la colonne Médicis, l’installation Mont Analogue de Philippe Parreno palpite d’une lumière aux teintes changeantes ; elle transcrit en code le roman inachevé de René Daumal et émet dans le ciel de Paris son message fantastique et métaphysique. Une quête sans fin, une aventure impossible, une métaphore de l’art et de son utopie. L’artiste a conçu une nouvelle version de cette installation in situ pour la colonne Médicis qui flanque le bâtiment de la Bourse de Commerce, pour l’ouverture du musée. Reconfiguration, réminiscence, nouvel avatar d’une oeuvre créée en 2001 et centrale pour Parreno, Mont Analogue est installé au sommet d’un ouvrage unique, témoin architectural du site à la Renaissance, anciennement palais de Catherine de Médicis. Cette colonne, symbole du pouvoir royal autant qu’éminence ésotérique devient un phare depuis lequel l’artiste diffuse à la ville un autre message, tout aussi inachevé. C’est sous la forme d’un code lumineux, intermittent et mystérieux, que Philippe Parreno invite le passant à découvrir les mondes invisibles, possibles, intangibles, de l’art.