Lecture Marcel Broodthaers
Conférence
Le 24 mai 2024

Marcel Broodthaers « à la lettre »
Une lecture des poèmes (1940-1970) pour célébrer le centenaire du poète-artiste

En hommage à l’artiste belge Marcel Broodthaers (1924-1976), dont on célèbre cette année le centenaire, la Bourse de Commerce propose une rencontre littéraire autour de son œuvre poétique. 

Conception du projet : Julie Bawin (Université de Liège), Maria Elena Minuto (Università degli Studi di Bergamo ; Université de Liège ; Royal Holloway University of London), Annalisa Rimmaudo (Musée national d’art moderne - Centre Pompidou). Organisée à la Bourse de Commerce – Pinault Collection, Paris, sous le patronage de Maria Gilissen-Broodthaers, en partenariat avec le Centre Wallonie-Bruxelles/Paris et avec le soutien du Groupe Uhoda à Liège.

L’historien de l’art Bernard Blistène, l’artiste Jacques Charlier, l’historien et critique d’art Jean-François Chevrier, l’historienne de l’art et conservatrice Catherine David, le poète et écrivain Jérôme Game, le critique et historien de l’art Jean-Pierre Criqui et l’artiste Elsa Werth liront ainsi successivement des poèmes écrits par Marcel Broodthaers entre 1940 et 1970, témoignages de la riche et complexe histoire de son langage subversif. 

Inspiré par la poésie de Charles Baudelaire et de Stéphane Mallarmé, Marcel Broodthaers (Bruxelles, 1924-Cologne, 1976) questionne la relation multiple et controversée entre le mot et l’image, l’original et la copie, la réalité et la fiction, à travers une œuvre riche en images poétiques qui n’a jamais cessé d'interroger l’art en tant qu’idéologie et pouvoir. Si l’histoire et la critique d’art se sont depuis longtemps concentrées sur l’analyse de l’œuvre plastique de Broodthaers, il n’existe, à ce jour, que peu d’études ayant mis en lumière la richesse de sa production littéraire – qu’il s’agisse des poèmes écrits dans les années 1945-1960 ou des recueils tels que La Bête noire (1961) et Pense-Bête (1963) – ainsi que ses recherches dans le domaine de la poésie verbovisuelle (1963-1976). Les moules, les œufs et le bestiaire figurent parmi les images les plus récurrentes et significatives de son univers poétique des années 1960-1963, tandis que les pipes, les lettres de l’alphabet et les signes de ponctuation caractérisent ses Poèmes industriels (1968-1972) ; des poèmes verbovisuels fabriqués en plastique thermoformé.

 « [la poésie] trouble les codes avec lesquels on élabore des explications. Dans la mesure où la poésie reste inexplicable, elle dérange les habitudes en vigueur dans un monde où l’on essaie toujours de tout expliquer et où l’on veut toujours et partout mettre de l’ordre ». – Marcel Broodthaers, 1974 

Historien de l’art de formation, Bernard Blistène, nommé en 1983 conservateur au Centre Pompidou, devient en 1990 directeur des Musées de Marseille et crée le Musée d'Art contemporain de la ville, qu'il codirige jusqu'en 1996. Il est titulaire de la chaire d'art contemporain à L’École du Louvre de 1985 à 2005, et il a été nommé inspecteur de la création artistique à la Délégation aux arts plastiques dès 2002. En 2009, il rejoint à nouveau le Centre Pompidou en tant que directeur du Département du développement culturel et, quatre ans plus tard, il est nommé directeur du Musée national d’art moderne. Il a, à plusieurs reprises au cours de sa carrière commenté l’œuvre de Marcel Broodthaers. Parmi les principaux textes qu’il a consacré à l’artiste figurent : Marcel Broodthaers : Musée d’Art Moderne – Département des Aigles, Paris : Beaux-Arts éd., 2015 ; l'avant-propos de Poésure et peintrie, « d'un art, l'autre », Centre de la Vieille Charité, 12 février-23 mai 1993, pp. 16-23 ; « Marcel Broodthaers conteur et moraliste parodique », Art Press, n. 153 1990, pp. 24-30.

Artiste incontournable de la scène internationale, Jacques Charlier (Liège, 1939) est l’auteur d’une œuvre à la fois foisonnante et inclassable. En près de soixante années d’activité artistique, il a choisi tour à tour la peinture, la photographie, la vidéo, la sculpture, l’installation, la musique, la BD, la publicité et même l’écriture par la publication de textes critiques. Proche de Marcel Broodthaers, il a élaboré un discours critique et (im)pertinent sur les styles et les codes esthétiques – qu’il s’amuse à pasticher –, ainsi que sur les dispositifs institutionnels servant de caution à l’œuvre d’art, autant que sur les modes et modalités d’une création ne fonctionnant que dans le giron de « ceux qui ont le privilège de la créer, de la posséder, d’en comprendre l’usage ». 

Historien et critique d’art, commissaire d’expositions, Jean-François Chevrier a enseigné aux Beaux-arts de Paris (1988-2019). Conseiller général pour la documenta X (1997), auteur de nombreux textes et ouvrages, il s’est intéressé à Marcel Broodthaers dans le cadre de ses travaux sur l’art moderne « entre les beaux-arts et les médias », et en relation avec les formes littéraires. Textes principaux sur Broodthaers : The Year 1967: From Art Objects to Public Things (Barcelona: Fundació Tàpies, 1997 ; Madrid: Brumaria, 2013) ; « Broodthaers, l’artiste-homme de lettres », L’Action restreinte. L’art moderne selon Mallarmé / Art and Utopia (cat. MACBA / Musée de Nantes / Hazan, 2004-2005) ; « 1967. Le système D selon Broodthaers », Œuvre et activité (Paris: L’Arachnéen, 2015) ; « Rhetoric, System D, or Poetry in Bad Weather » (cat. MoMA / Reina Sofia, 2016).

Jean-Pierre Criqui critique et historien de l’art, est conservateur au Service des Collections contemporaines du Musée national d’art moderne, Centre Pompidou, Paris, où il est également depuis 1994 le rédacteur en chef de la revue d’histoire et de théorie de l’art Les Cahiers du Mnam. Les plus récentes expositions dont il a été le commissaire au Centre Pompidou sont Christian Marclay (2022-2023), Tatiana Trouvé (2022), et Charles Ray (2022).

Catherine David est historienne de l’art, conservatrice et directrice de musée. Elle a été directrice du Centre d’Art Contemporain Witte de With à Rotterdam entre 2002 et 2004 et  directrice adjointe, responsable du Département Recherche et Globalisation du Centre Georges Pompidou à Paris jusqu’en 2021. De 1982 à 1994, elle a été successivement conservatrice au Musée national d’art moderne, Centre Pompidou et à la Galerie nationale du Jeu de Paume, où elle a organisé de nombreuses expositions, dont une monographie de Marcel Broodthaers (1991). En 1997, elle a été directrice artistique de la Documenta X à Kassel. De 1998 à 2007 elle a été directeur du projet « Représentations arabes contemporaines ». Elle a inspiré le programme de recherche de nombreux musées en Europe au début du 21e siècle. Le catalogue Marcel Broodthaers qu’elle a dirigé avec Véronique Dabin, publié par le Jeu de Paume en 1991 est l'un des ouvrages les plus complets sur l'artiste.

Jérôme Game est un poète et écrivain français auteur d’une vingtaine d’ouvrages (recueils, livres-CD de poésie sonore, roman, essais, DVD de vidéopoèmes, traductions, pièces de théâtre). Aussi présenté sous forme de performances, conférences ou installations sonores et visuelles (créations radiophoniques, spatialisations, expositions de vidéo- ou photopoèmes), son travail explore les formes de l'expérience contemporaine à l’intersection des mots, des sons, et des images. Il collabore avec des artistes de la scène, de l’image, et du son, et donne régulièrement des lectures publiques en France et à l’étranger. Parus dans de nombreuses revues, ses textes ont été traduits en anglais, chinois, italien, japonais, espagnol, néerlandais, et fait l’objet d’adaptations plastiques et scéniques. 

Elsa Werth développe un travail aux formes multiples : installations, sculptures, vidéos, livres d’artistes et pièces sonores. Sa pratique artistique a trait à l’économie du travail, aux façons d’œuvrer. Elle rend compte des actions ordinaires, des gestes quotidiens en les désignant et en les déstabilisant par des opérations de déplacement, des contre-usages, des perturbations. Avec une réelle économie de moyens, elle revendique des productions anti-spectaculaires comme tactiques de résistance. Ses matériaux de travail sont ces choses qui font le réel : les objets, les mots, les formes et les signes avec lesquels et au travers desquels nous vivons. Des choses communes dans tous les sens du terme : communes parce qu’ordinaires, communes car partagées.

Les livres de la collection de la Bibliothèque Kandinsky, Musée national d’art moderne Centre Georges Pompidou, ont été mis en image par Hubert Renard.