« Marcel Duchamp a fait la boîte en valise, là c’est une sorte de boîte en vitrine » Bertrand Lavier
« Tout notre rapport au réel est lié à ce rapport que l’on a avec le langage qui à la fois vient préciser les choses et à la fois vient les disséquer, les déliter. » Bertrand Lavier
Artiste
Qu’est-ce que c’est cette montgolfière dépliée dans la Rotonde de la Bourse de Commerce, qu’est-ce que vous allez en faire ?
Alors pour l’instant c’est une montgolfière au repos. Elle a pris un peu l’humidité dans son stockage et donc là on l’a déployée et ça donne une bonne idée du volume de la montgolfière par rapport au volume de la Bourse et dans un 2e temps on va la compresser entre guillemets et la faire rentrer dans une des vitrines Et donc on va avoir, je pense, car je ne l’ai jamais fait encore, une sorte de compression de couleurs.
C’est une œuvre sur la couleur ?
Oui ça aborde la question de la couleur et la question du volume. En fait, c’est un objet qui est méconnaissable une fois qu’il est dans cette vitrine. Et le regardeur fait un peu l’effort de savoir ce qu’elle donnerait si elle était dans son état normal. Et donc on joue mentalement avec une palette multicolore et un volume qui est plus qu’élastique. C’est à la fois de la couleur, une sorte de peinture, une sorte de sculpture.
Tout est une affaire d’échelle, de jeux de mots, de langage ? Racontez-nous un peu l’esprit de ces vitrines.
Il fallait choisir d’abord des œuvres qui puissent être regardées entre contre-plongée. On est toujours un peu en-dessous et toutes les œuvres ne se prêtent pas à ce regard. Effectivement, tout est question de langage. Si deux objets qui sont en conversation sont une scie et une lance, vous ne pouvez pas vous empêcher d’entendre et de voir le silence. Un autre exemple, une vitrine où il y a deux rouges, ces deux rouges s’appellent « rouge géranium » - Docus et Ripolin qui sont deux marques de peinture. Là aussi vous êtes devant un principe d’incertitude. Docus et Ripolin ont eux vraiment des certitudes sur ce qu’est un rouge géranium mais quand vous voyez l’œuvre vous êtes dans le doute total, vous ne pouvez plus décider ce qu’est un rouge géranium. Tout notre rapport au réel est lié à ce rapport que l’on a avec le langage qui à la fois vient préciser les choses et à la fois vient les disséquer, les déliter.
« Effectivement, tout est question de langage. Si deux objets qui sont en conversation sont une scie et une lance, vous ne pouvez pas vous empêcher d’entendre et de voir le silence.»
Parmi ces 24 œuvres, laquelle vous amuse le plus ? Et puisque c’est une rétrospective qui s’expose en vitrine, laquelle est votre chef-d’œuvre ?
Marcel Duchamp a fait la boîte en valise, là c’est une sorte de boîte en vitrine. Alors ça a un caractère rétrospectif parce qu’il y a beaucoup d’œuvres différentes mais il y a des chantiers qui ne peuvent pas être présents ici parce qu’ils ne sont pas compatibles avec les vitrines.
S’il y a des chefs-d’œuvre, ce n’est vraiment pas à moi de vous dire. Je pense qu’un artiste ne peut vraiment pas être dans cette position en hiérarchisant de manière très autoritaire. L’œuvre qui s’appelle Beaunotte/Listo, où une pierre est posée sur un réfrigérateur, cette œuvre est la même qu’il y a 25 ans mais on ne la regarde plus de la même manière. Elle est peut-être même plus agressive aujourd’hui qu’il y a 25 ans. Le temps vient aussi nimber, donner un parfum aux œuvres, qui nous échappe, parce qu’évidemment on n’est pas maître de ça. Donc avoir un jugement comme ça définitif sur les choses qu’on a faites, moi ça me pose beaucoup de difficultés.
Laquelle vous amuse le plus ?
Celle qui m’amuse le plus ; c’est toujours la dernière. Donc je marche dessus. Parce que mettre la montgolfière dans une vitrine, ça je ne l’ai jamais fait je vais découvrir le résultat dans quelques heures.
« Celle qui m’amuse le plus ; c’est toujours la dernière. Donc je marche dessus. Parce que mettre la montgolfière dans une vitrine, ça je ne l’ai jamais fait je vais découvrir le résultat dans quelques heures. »