Icônes
Le mot « Icône » connaît deux acceptions : son étymologie grecque la définit comme une « image », ou « ressemblance », tandis que son usage la désigne comme peinture religieuse. Plus contemporaine est l’idée d’un modèle, d’une figure emblématique. Le statut de l’image – sa capacité à incarner une présence, entre apparition et disparition, ombre et lumière, à figurer un espace, à générer une émotion et faire corps avec les spectateurs – est au coeur de cette exposition conçue spécifiquement pour la Punta della Dogana et le contexte vénitien, si riche d’un dialogue ininterrompu entre l’Orient et l’Occident.
L’icône – vectrice de passage vers un autre monde, d’autres états de conscience (contemplation, méditation) – nous renvoie à une réalité transcendante, ayant le pouvoir d’actualiser la présence de l’invisible, créant une émotion ou un éblouissement esthétique et spirituel. Ce sont les iconostases – ces dispositifs qui dissimulent les officiants du culte derrière un mur d’images agissant comme une porte vers le monde divin. Ce sont des oeuvres qui génèrent des espaces, comme autant de haltes ou de chapelles à l’ère de la saturation et du détournement des images. Ce sont les tableaux vivants, les rites, tout ce qui fait de l’image un espace de relation entre les humains et ce qui les dépasse. Marie-José Mondzain dans sa pensée philosophique autour du cinéaste Tarkovski et l’image-icône souligne combien l’auteur d’Andrei Roublev par sa poétique cinématographique « arrache l’icône à l’Église et associe l’aventure du regard à la constitution d’une nouvelle assemblée ». Les oeuvres rassemblées invitent à travers l’exploration du statut de l’image à un partage du visible.
Une exposition thématique avec les oeuvres de la Collection Pinault de Josef Albers, James Lee Byars, Maurizio Cattelan, Étienne Chambaud, Edith Dekyndt, Sergej Eisenstein, Lucio Fontana, Theaster Gates, David Hammons, Arthur Jafa, Donald Judd, On Kawara, Kimsooja, Joseph Kosuth, Sherrie Levine, Francesco Lo Savio, Agnes Martin, Paulo Nazareth, Camille Norment, Roman Opałka, Lygia Pape, Michel Parmentier, Philippe Parreno, Robert Ryman, Dineo Seshee Bopape, Dayanita Singh, Rudolf Stingel, Andrej Tarkovskij, Lee Ufan, Danh Vo et Chen Zhen.
Entre figuration et abstraction, cette exposition invoque toutes les dimensions de l’image dans le contexte artistique – peintures, vidéos, sons, installations, performances – au travers d’une sélection d’oeuvres emblématiques de la Collection Pinault, et de dialogues inédits entres des artistes qui lui sont particulièrement chers (David Hammons/Agnes Martin ; Danh Vo/Rudolf Stingel ; Sherrie Levine/On Kawara…). L’exposition considère tout à la fois la fragilité et la puissance des images, leur caractère polysémique : toutes les oeuvres de cette exposition deviennent des apparitions, des illuminations, des révélations ; en tous points, elles sont transfiguratrices.
Commissaires : Emma Lavigne, directrice générale de la Pinault Collection, avec Bruno Racine, administrateur délégué et directeur, Palazzo Grassi — Punta della Dogana